On vous explique la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine
Une nouvelle étape vient d'être franchie dans la guerre commerciale que se livrent les Etats-Unis et la Chine. Pékin a décidé de dévaluer sa monnaie, ce qui a fait plonger les bourses. Il pourrait s'agir d'une réponse aux sanctions douanières voulues par Donald Trump.
Voilà bientôt 18 mois que Pékin et Washington s'affrontent à coups de nouvelles taxes. Leur guerre commerciale vient de prendre une nouvelle tournure lundi, avec la décision de la Chine de laisser filer sa monnaie. La devise chinoise a ainsi franchi le seuil symbolique des 7 yuans pour un dollar, son niveau le plus bas depuis 11 ans, ce qui a affolé les marchés financiers. Les trois grands indices de Wall Street ont ainsi enregistré leur pire journée de l'année - le Dow Jones Industrial Average a perdu notamment 2,90% - et le CAC 40 a fini en recul de 2,19%.
Qu'est-ce qui a poussé le régime chinois à prendre cette décision explosive et quel est son effet? Explications.
La Chine, l'une des cibles préférées de Donald Trump
Si Donald Trump aime se faire des adversaires, celui-ci est de taille. Au cours de la campagne présidentielle puis à la Maison-Blanche, le républicain a rarement ménagé Pékin. Ce qui est déjà un euphémisme puisque, d'après ses multiples déclarations, la Chine "viole", "tue", "détrousse", "triche", "manipule" ou "effraie" les Etats-Unis. Cette stratégie de la provocation verbale vient illustrer une rengaine de l'homme d'affaires. Selon ce défenseur acharné du protectionnisme, la Chine serait responsable de l'affaiblissement de l'Amérique, en lui prenant de nombreux emplois à cause d'une concurrence déloyale face à l'industrie américaine.
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Ce constat repose lui-même sur le déséquilibre commercial entre les deux pays. La Chine est le premier partenaire des Etats-Unis et surtout son premier exportateur. Cela a donc pour conséquence d'aggraver l'excédent commercial en faveur de la puissance asiatique. L'année 2018 a ainsi été marquée par un record, avec 323 milliards de dollars d'excédent, en hausse de 17%, du jamais vu depuis 2006.
Or, selon le raisonnement de Donald Trump, cet argent donné à la Chine est autant d'argent en moins pour son pays. Ce discours avait en tout cas fait mouche chez une partie des électeurs américains en 2016, même si les deux pays ont aussi à perdre d'un affrontement direct...
Coups de boutoir américains et réponses chinoises
Le président des Etats-Unis a donc opté pour une attitude offensive. En mars 2018, il lance une première charge en menaçant de taxer de 25% les importations d'acier et de 10% sur l'aluminium, dont la Chine est le premier producteur mondial. Donald Trump menace à ce moment-là aussi les Européens et le Canada, qu'il décide finalement d'épargner. Mais pas Pékin, qui riposte en promettant de surtaxer à son tour des produits américains.
La suite alterne les répliques, de l'une ou l'autre partie, et des moments d'apaisement. En juillet 2018, la guerre commerciale prend vraiment effet avec l'application de premières taxes américaines sur 34 milliards de dollars d'importations chinoises. La Chine répond par le même montant. Après une trêve à la fin de l'année, les hostilités reprennent en mai dernier. Là encore, le coup part de Donald Trump, qui augmente les droits de douane sur 200 milliards de dollars d'importations chinoises et cible le géant chinois de la téléphonie, Huawei.
Finalement, les négociations reprennent au début de l'été entre le dirigeant américain et son homologue, Xi Jinping. Des pourparlers ont même eu lieu la semaine dernière à Shanghai. Et puis c'est la nouvelle escalade : dès le lendemain, Donald Trump annonce des droits de douane supplémentaires de 10% sur les 300 milliards de dollars d'importations chinoises jusque-là épargnées, à compter du 1er septembre. Il justifie notamment sa décision par le fait que Pékin ne tiendrait pas ses promesses d'achats de produits agricoles américains. Lundi, la Chine l'a pris au mot en suspendant la quasi-totalité de ses achats dans ce secteur.
Pékin joue la carte de la dévaluation
C'est l'arme que dénoncent justement les Etats-Unis : Donald Trump accuse régulièrement la Chine d'affaiblir volontairement sa monnaie pour être encore plus compétitive, en favorisant ses exportations sur le marché américain qui ont commencé à ressentir les effets des taxes. Une nouvelle étape vient d'être franchie avec le passage du dollar au-dessus des sept yuans. Pékin, qui contrôle étroitement le cours de sa monnaie via sa Banque centrale, a néanmoins démenti avoir baisser le cours de sa monnaie en réaction "aux problèmes extérieurs comme les différends commerciaux".
C'est loin d'être l'avis de Washington, qui a officiellement accusé sa rivale de manipuler sa monnaie. De même que certains économistes, selon qui la Chine pourrait laisser davantage filer sa monnaie pour atténuer l'impact de la guerre commerciale. Le pays prend pourtant lui-même des risques, puisqu'il fera face en contrepartie à un renchérissement des importations comme le pétrole. En outre, la Chine cherche depuis 2015 plutôt à stabiliser sa monnaie pour éviter les fuites de capitaux. Or, dévaluer est au contraire signe de volatilité, surtout dans un contexte de ralentissement de la croissance chinoise.
La guerre commerciale va-t-elle se prolonger en guerre des monnaies? Mardi, malgré l'escalade entre les deux pays, le principal conseiller économique de Donald Trump, Larry Kudlow, a confirmé que les négociations pour trouver une issue à cette crise reprendraient bien en septembre à Washington. Et a assuré que les Etats-Unis voulaient toujours parvenir à "un bon accord".