Tout arrive : Trump veut mettre fin à la guerre commerciale avec la Chine et Boris Johnson propose un accord pour le Brexit.
Tout se passe comme si la crise rendait intelligent. Sur deux fronts stratégiques et systémiques, il semble bien que les grands de ce monde avaient plus intérêt à s'entendre qu’à se faire la guerre, fut-elle économique.
Entre la Chine et les Etats-Unis Donald Trump a fait ce qu’il fallait, ce week end, pour que son gouvernement signe avec les dirigeants chinois un arrêt de la guerre commerciale.
Entre la Grande Bretagne et l’Union européenne, il semblerait que Boris Johnson ait compris qu’il n’avait pas intérêt à imposer un Brexit sans deal. C’est ce qu’il dira demain à Emmanuel Macron et à Angela Merkel en espérant que le sommet européen le 17 octobre prochain entérine le projet de deal.
1er front d'incertitudes, celui qui sépare la Chine et les Usa depuis plus d’un an et demi, avec pour terminer, de sérieuses menaces de protectionnisme douanier qui auraient mis à mal l’ensemble de l’économie mondiale. Sur ce front-là , Donald Trump a déclaré ce week end que la phase 1 d’un accord de paix commerciale avec la Chine avait été conclu. Il faudra encore du temps pour signer le document officiel, mais les deux gouvernements ont précisé que la signature aura lieu entre Donald Trump et Xi Jinping lors du sommet de la zone Asie-Pacifique.
Cet accord couvre les échanges commerciaux, la question de la protection de la propriété intellectuelle et l’accès aux services financiers. L’accord prévoit aussi des achats de produits agricoles américains par la Chine pour 50 milliards de dollars.
Cette phase 1 sera complétée pour une phase 2 et 3 pour traiter la question des transferts de technologie.
En attendant, Donald Trump a suspendu la hausse des droits de douane de 25 à 30% sur plus de 250 milliards de dollars. Seule inconnue, l’avenir de Huawei considéré comme un sujet qui fâche et qu’on essaiera de traiter plus tard.
Ce revirement de la position américaine s’explique très clairement par deux séries de raisons.
Première raison (très économique), l’entourage de Donald Trump est assez inquiet du ralentissement économique mondial et considère à juste titre que ce ralentissement est imputable à la guerre commerciale. Or, Trump a besoin d’une économie florissante pour assurer sa réélection. D’où la décision de lever les barrières protectionnistes qui n’ont pas produit d’effets.
Deuxième série de raisons (très politiques), les conseillers de la Maison Blanche ne sont pas loin de penser que la politique menée par les Etats-Unis n’a pas affaibli pas Xi Jinping , mais au contraire, l’a renforcé en cette année du 70 e anniversaire de la révolution chinoise. L’insurrection à Hong Kong par exemple a permis aux dirigeants chinois de rappeler que Hong Kong était chinois, et que la démocratie politique occidentale était loin de constituer un modèle pour garantir le progrès et la paix. Pour les dirigeants chinois idéologues du courant au pouvoir, la démocratie en Afrique et dans beaucoup de pays européens ne sont pas des modèles probants d’efficacité. Par ailleurs, on a commencé à comprendre aux USA , que les Chinois avaient une vision de la mondialisation très différente de la vision capitaliste ou financière de l'Occident. Bloquer les Chinois dans le commerce mondial, c’est renforcer leur stratégie très politique d’une globalisation à la chinoise, c’est-à-dire en dehors des règles du capitalisme financier.
Le deuxième front de désaccords et d’incertitudes porte évidemment sur le Brexit et la menace d’un Brexit sans deal qui serait imposé par Boris Johnson le 31 octobre prochain. La semaine va être décisive avec un sommet européen extraordinaire qui doit acter de ce qui va se passer. Jusqu'à ce week end, les dirigeants européens s’étaient convaincus qu’il n’y avait pas de solution claire pour construire un deal en dehors de l’accord qui avait été négocié par Theresa May au terme de deux années de négociations. Or Boris Johnson n’en voulait pas et les propositions qu’il promettait de faire paraissaient tellement floues et contradictoires qu’elles n’étaient pas applicables.
Or ce week-end, les choses se sont sans doute précisées. Les négociations se sont intensifiées et Londres a fait de réelles concessions en tenant compte des réalités à gérer. En bref, à Bruxelles comme à Londres, on n’exclut plus la possibilité d’un accord. Les signes et les fuites se sont multipliés et permettent d’imaginer un deal qui ne bloquera pas la situation.
L’essentiel des modalités du deal reprendrait l’essentiel du projet de Theresa May à savoir que la Grande Bretagne quitterait les institutions européennes, dédommagerait l’Union européennes des dépenses engagées mais resterait dans le marché unique en acceptant les contraintes et les normes édictées par l’Union européenne pour encadrer les échanges. Ce qui ne représente pas beaucoup de changement par rapport à la situation actuelle.
Reste la question de la frontière entre l’Irlande du nord (qui dépend de la GB) et l’Irlande du sud ( qui fait partie de l’Union européenne )
Aux dernière nouvelles, Boris Johnson a admis des difficultés pour reconstruire une frontière et surtout il reconnait un risque de guerre civile. Il aurait donc proposé le maintien de la liberté d‘échanges entre le Nord et le Sud, c’est à dire entre l’Union européenne et la Grande Bretagne. Donc pas de droits de douane, et pour éviter que l’Irlande ne devienne un centre de transit pour les importations qui viendraient de l’extérieur de l’Union européenne, il est prêt à supprimer tous les droits de douane sur toutes les importations en GB.
Au delà des problèmes techniques qui ne sont pas résolus, toute la question maintenant est de savoir si le projet de deal concocté par Boris Johnson trouvera une majorité au Parlement Britannique, ça n’est pas gagné. Parce qu’en Europe, tout laisse penser que les chefs d’Etat et de gouvernement accepteront ces concessions qui évitent de bloquer les courants d’échange entre l'Union européenne et la Grande Bretagne, qui évite le risque du réveil d’un conflit entre l’Irlande du Nord et l’Irlande du sud et qui amortissent enfin les risques d’une asphyxie de l’activité économique.